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L’abat-jour à travers l’histoire : 
lumière sur un métier d’art

Derrière chaque abat-jour se cache bien plus qu’un simple objet fonctionnel. Il est le reflet d’une époque, d’un style, et surtout du travail minutieux d’un artisan. Pourtant, son histoire est souvent méconnue. Voici un voyage à travers le temps et les continents pour redonner à l’abat-jour toute la place qu’il mérite dans le monde de l’artisanat d’art.

Des débuts intimement liés à la lumière

L’histoire de l’abat-jour commence bien avant l’ère de l’électricité.

Dès l’Antiquité, des écrans de lumière étaient utilisés pour diffusions de la lumière des feux de bois ou de bougies. Ces écrans étaient souvent faits de parchemin, de verre peint, ou encore de tissu tendu sur des armatures de métal ou bois. Ils n’étaient pas encore des abat-jour au sens moderne, mais ils jouaient un rôle similaire en diffusant la lumière et en la filtrant.

Au Moyen Âge, des matériaux comme le parchemin étaient utilisés pour tamiser la lumière des chandelles, surtout dans les grandes églises. Avec l’invention de la lampe à huile au Moyen Âge, des formes de protection plus élaborées sont apparues, telles que des boîtiers en métal finement décorés.

L’ère victorienne et les premiers styles décoratifs (1880–1900)

L’arrivée de l’électricité à la fin du XIXe siècle marque un tournant décisif dans la conception de l’abat-jour. Les premières ampoules électriques produisent une lumière intense et crue, rendant nécessaires les abat-jour pour atténuer cette lumière. Ainsi, l’abat-jour devient un élément à la fois fonctionnel et décoratif.

En Angleterre et en France, les premières pièces étaient souvent confectionnées par des modistes, couturières, et tapissiers. Le tissu dominait : soie, velours, dentelle, et broderies étaient utilisés dans une approche ornementale typique de la période victorienne. À cette époque, des motifs floraux et des franges décoratives étaient omniprésents.

L’Art Nouveau (1890–1910) : la lumière devient œuvre d’art

L’Art Nouveau (ou Jugenstil en Allemagne) est l’un des mouvements artistiques majeurs ayant influencé la conception des abat-jour. Louis Comfort Tiffany, créateur américain renommé, révolutionne l’univers du luminaire avec ses abat-jour en verre opalescent, créant des pièces uniques à l’aspect organique et décoratif. Tiffany est également le pionnier du vitrail pour abat-jour, utilisant des morceaux de verre coloré pour créer des effets lumineux.

En Europe, des artistes comme Émile Gallé et les verriers de l'École de Nancy expérimentent aussi l’art du verre et de la lumière. L’idée d’allier artisanat et art devient fondamentale, et les abat-jour deviennent de véritables objets d’art, capables d’évoquer la nature et la poésie.

L’Art Déco (1920–1939) : géométrie et modernité

Dans les années 1920, l’Art Déco devient l’esthétique dominante. Ce mouvement marque un retour à une forme géométrique, épurée et plus fonctionnelle des abat-jour. Les matériaux industriels prennent le relais : acier inoxydable, verre dépoli, plexiglas, et aluminium. L'ornementation devient plus sobre, avec une recherche de lignes pures et de motifs stylisés.

Des créateurs comme Émile-Jacques Ruhlmann, Pierre Chareau, et Jean Perzel marquent cette époque par des luminaires aux formes nettes et modernes. Ruhlmann, par exemple, conçoit des luminaires raffinés qui s’intègrent parfaitement dans le mobilier Art Déco. Pierre Chareau, quant à lui, est célèbre pour ses créations de luminaires géométriques, notamment pour le Château de Meudon et le paquebot Liberté.

Les années 1950–1970 : design et fonctionnalité

Les années après la Seconde Guerre mondiale voient un design plus fonctionnel où la lumière devient de plus en plus associée à l’ergonomie et la praticité. L’abat-jour adopte des matériaux nouveaux et des formes modulables.

En France :

  • Serge Mouille innove avec des luminaires articulés et une lumière dirigée qui devient une fonctionnalité essentielle dans la décoration intérieure,

  • Charlotte Perriand conçoit des luminaires à l’échelle de l’espace, avec une approche globale où chaque pièce se fond dans un environnement complet.

  • Pierre Guariche et Gino Sarfatti poursuivent cette quête de lumière au service du design et de la modernité.

En Italie :

  • Achille Castiglioni et Pier Giacomo Castiglioni s’illustrent avec des créations iconiques en métal, plastique et verre.

  • Ettore Sottsass et les autres membres du groupement Memphis apportent une approche graphique à l’abat-jour avec des objets ludiques et expressifs.

Retour au sur-mesure et à l’artisanat d’art (années 2000–présent)

À l’ère contemporaine, l’abat-jour connaît un retour en force dans le design d’intérieur haut de gamme, où la recherche de l’unicité et du fait-main prime. L’artisanat d’art a retrouvé ses lettres de noblesse avec une attention particulière portée aux matériaux de qualité, à l’innovation et à l’esthétique personnalisée.

Les abats-jour en tissu, plissés ou froncés, sont désormais conçus à la main, avec des matériaux naturels comme la soie, le lin, ou le coton. Les carcasses sont fabriquées sur mesure pour chaque lampe, et les créateurs contemporains comme Sylvie Tranchant, Lison de Caunes, ou Matière et Lumière font revivre des techniques anciennes avec des touches modernes.

Focus international : l’abat-jour dans le monde

Dans de nombreuses cultures, l’abat-jour prend des formes uniques :

  • Au Japon, l'usage du washi (papier de riz) pour créer des lampes de papier est ancestral. Le Shōji, par exemple, intègre des panneaux de papier dans des cadres en bois pour filtrer la lumière de manière douce et harmonieuse.

  • En Chine, les lanternes en soie sont une tradition ancienne, utilisées lors des fêtes ou pour embellir les espaces intérieurs.

  • Les lampes arabes ou orientales en métal finement perforé créent des jeux de lumière magiques, tandis que les cheongsas coréens, souvent en soie, sont des objets de raffinement et de spiritualité.

 

Conclusion : un métier vivant, entre tradition et création

De Tiffany à aujourd’hui, l’histoire de l’abat-jour est celle d’un dialogue constant entre lumière, matière et forme. Et derrière chaque création, il y a un artisan, une main, une intention. Le métier d’abat-jouriste se distingue par sa capacité à allier tradition et modernité, à restaurer ou à créer des pièces uniques pour chaque intérieur.

Dans un monde où la lumière joue un rôle primordial dans la création d’ambiances, chaque abat-jour est un geste artistique, et un témoignage du savoir-faire humain.

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Valorisation du métier : l’abat-jouriste d’aujourd’hui

L’abat-jouriste moderne n’est plus seulement un créateur de lumière, mais un artisan dont le savoir-faire est essentiel dans la conception et la restauration de pièces d’exception. À travers des techniques minutieuses, il réveille l’histoire de l’abat-jour, créant des objets où lumière et art se rencontrent pour sublimer les intérieurs.

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