L’étoffe du décor :
cinq siècles de tapisserie d’ameublement
La tapisserie d’ameublement en décor — rideaux, tentures, portières, lambrequins — n’a jamais été un simple ornement. Elle est l’écho textile de notre culture, de nos goûts et de notre rapport à l’espace. À travers les siècles, elle a connu des métamorphoses stylistiques profondes, portée par des figures marquantes et des ateliers emblématiques.
Des Origines Anciennes à l’Âge Médiéval
Déjà dans l’Antiquité, les Égyptiens, Romains ou Perses utilisent le tissu pour structurer l’espace. Mais c’est au Moyen Âge que la tapisserie décorative gagne en prestige : les châteaux s’habillent de tentures murales brodées ou tissées, servant à la fois de protection thermique et de support narratif.
La Tapisserie de Bayeux, datant du XIe siècle, en est l’exemple le plus célèbre : un chef-d’œuvre textile racontant la conquête de l’Angleterre, mobile, décoratif et politique.
Renaissance et Flandres : L’Âge d’Or des Tentures Murales
Au XVe siècle, les ateliers flamands de Tournai, Bruxelles ou Arras exportent dans toute l’Europe des tapisseries monumentales, riches en soies et fils d’or. Ces œuvres illustrent les mythes antiques, les scènes religieuses, ou les triomphes princiers.
En France, l'ensemble de La Dame à la Licorne (fin du XVe siècle) symbolise l’union du raffinement, du mystère et du savoir-faire textile.
Louis XIV et la Manufacture des Gobelins : Le Textile au Service du Pouvoir
Sous le règne de Louis XIV, la tapisserie prend un rôle central dans la stratégie de représentation royale. En 1662, Colbert fonde la Manufacture des Gobelins, dirigée par Charles Le Brun.
Tentures murales, rideaux d’apparat, décors de fêtes ou de cérémonies : le tissu devient politique. Versailles, modèle absolu, montre comment le textile peut gouverner l’espace comme une œuvre d’art totale.
XVIIIe Siècle : Du Rococo aux Textiles d’Intimité
À l’époque de Louis XV, l’ambiance se fait plus intime. Les tissus deviennent plus légers, les coloris pastel dominent, et les motifs floraux ou galants envahissent les tentures, rideaux, baldaquins.
La toile de Jouy fait fureur, les soieries lyonnaises se répandent. Madame de Pompadour incarne ce goût du raffinement, du textile sensoriel et enveloppant.
XIXe Siècle : Révolutions Industrielles et Retours à l’Artisanat
La production industrielle permet aux classes bourgeoises d’accéder aux textiles d’ameublement. Le style Napoléon III aime le velours, la passementerie, les rideaux lourds.
Mais face à cette profusion, des artistes comme William Morris, en Angleterre, fondent le mouvement Arts & Crafts, qui défend un textile artisanal, inspiré du végétal et des traditions médiévales.
XXe Siècle : L’Art Tissé et les Grands Noms du Textile Moderne
Le XXe siècle fait exploser les frontières entre art, artisanat et décoration. La tapisserie décorative devient art mural. Des artistes comme Jean Lurçat, Anni Albers ou Sophie Taeuber-Arp intègrent le tissu dans le langage moderne, entre abstraction, géométrie et émotion.
Dans le quotidien, les rideaux deviennent fonctionnels, acoustiques ou thermiques, tandis que les créateurs les utilisent à nouveau comme outils d’ambiance.
Figures et Lieux Incontournables de la Tapisserie d’Ameublement
Parmi les personnalités marquantes de cet art textile :
Charles Le Brun, décorateur du Roi Soleil. William Morris, pionnier du renouveau textile. Jean Lurçat, poète et rénovateur de la tapisserie française. Madame de Pompadour, mécène de la douceur rococo. Sophie Taeuber-Arp et Anni Albers, artistes modernes du tissé
Les lieux historiques :
Manufacture des Gobelins (Paris), encore active aujourd’hui. Aubusson, capitale de la tapisserie, classée à l’UNESCO. La Savonnerie, prestigieuse manufacture de tapis et tentures. Toile de Jouy (Jouy-en-Josas), emblème des motifs imprimés.